Le film est fait de dessins d'enfants, de vidéos familiales qui tentaient d'enregistrer entre deux fêtes de famille les moindres progrès de motricité et de langage, de photographies (certaines prises par Etienne lui-même), et même de clichés médicaux, car dans un tel deuil tout fait souvenir.

Le film est aussi une thérapie personnelle et familiale. Car Yannick Coutheron fait aussi parler ses parents, en longs plans fixes, resserrés sur les visages, qui ne s'interrompent que lorsque les voix s'étranglent et que les larmes perlent. Rien de larmoyant pourtant ni d'impudique dans cet exorcisme familial collectif, où l'on sent bien qu'il est aussi fait pour se soutenir et tenter ensemble d'avoir moins froid. Pour se délivrer aussi d'un incompréhensible mais insurmontable sentiment de culpabilité.

Yannick Coutheron avait eu tôt l'idée de consacrer un film à son jeune frère. Il en avait même commencé la réalisation lorsqu'Etienne a disparu. Il lui a sans doute fallu un certain courage pour persévérer, et pour faire de ce documentaire sur le handicap un récit "à la première personne", sans faux-fuyant ni consolation de pacotille, de cette "vie entre parenthèses".

Georges Chatain

L'ECHO

du 28 novembre 2002.

PARCOURS INTIMES

Mausolée pour Etienne

Dans le film "Quoi après", réalisé "à la première personne", le réalisateur Yannick Coutheron parle à son frère Etienne, handicapé physique et mental, mort à seize ans d'un arrêt cardiaque "sans que j'ai eu le temps de te dire au revoir"

C'était un enfant au regard vif et au visage rieur. Mais qui ne tenait qu'à grand'peine sur ses jambes, qui ne pouvait pas lire ni écrire, et qui ne disait qu'à grand peine quelques mots : "quoi après", par exemple, son expression favorite.

Etienne Coutheron, opéré plusieurs fois du cerveau à partir de l'âge de trois mois, est décédé à seize ans des suites d'une crise d'épilepsie. Son frère, le réalisateur Yannick Coutheron, de dix ans son aîné, lui consacre un film à la fois douloureux et pudique, qui lui parle au delà de la mort, puisque, lui dit-il, "tu es parti sans que j'ai eu le temps de te dire au revoir". Film d'adieu, pour retenir vivant le souvenir d'un frère avec qui l'auteur ne se consolera jamais de n'avoir pu courir les bois, "construire des cabanes et barrer les ruisseaux". Pas pour comprendre car il n'y a rien à comprendre dans ce bref et impitoyable destin, mais pour construire un mausolée.